dimanche 8 octobre 2017

Birmanie, l'Etat de non droit


La crise des Rohingya a éclaté il y a quelques semaines aux yeux des médias. Or, cette crise date de la colonisation britannique et la ségrégation communautaire subit par cette communauté musulmane n'a fait que s'intensifier au fil des années, jusqu'à les pousser à l'exode le 25 aout 2017. 


Qui sont-ils?

Il s'agit de musulmans sunnites qui auraient émigrés en Birmanie au moment de la colonisation britannique, fin du XIXe siècle. L'ethnie serait originaire du Bangladesh actuel mais vivent depuis des générations au sud ouest de la Birmanie. Ils sont considérés comme étant un peuple sans état qui a passé le plus clair de son temps à migrer d'un état à l'autre. Près de 400 000 personnes seraient en train de migrer cette fois vers le nord, depuis les attaques du mois d'aout.
Qu'est-ce qui les différencie des autres? Ils pratiquent l'islam dans un pays où la majorité sont de foi bouddhiste (90% des 52 millions d'habitants sont boudhistes). S'agissant d'Arakan, célèbre hashtag depuis aout, il a été le lieu de déportation de la population Rohingya en 1644 et puis annexé par les Birmans en 1785. Aujourd'hui, Arakan est en sous-développement et en proie a des rapprochements  "islam=terrorisme" depuis les attentas de 2011 qui ont renforcé la persécution des musulmans. 
Quid de la Birmanie? Un pays sujet à de nombreuses dictatures militaires et qui encore aujourd'hui, malgré la mise en place d'un pouvoir civil, continue à subir le poids prépondérant de la hiérarchie militaire. 


Apatrides depuis 1982 et victimes de nombreuses restrictions

Le gouvernement birman reconnait comme "races nationales", celles présentes sur le territoire avant l'arrivée des colons britanniques en 1823. Une loi de 1982 n'a fait qu'accentuer la pression et restrictions envers cette population devenue officiellement apatride. Les Rohingyas n'ont pas été reconnu comme faisant partie des 135 ethnies répertoriées en Birmanie. 
Entre 2012 et 2015 la perte de droit s'intensifie: ils sont privés d'université, interdit de pratiquer la médecine, les nouveaux-nés n'ont pas droit à un certificat de naissance… 
Le viol d'une jeune fille bouddhiste en 2012 a été répercuté sur toute la minorité et soldé par une vague d'émeutes avec des dizaines de morts et des mosquées détruites. 


Pourquoi la crise est-elle au coeur de l'actualité maintenant? 

Face à l'absence d'avancées sur le dossier de la minorité musulmane, des groupes de rebelles se sont formés et ont attaqué des postes-frontières à Arakan le 25 aout. Ce qui a entrainé les répressions de l'armée, faisant au passage 400 morts (l'ONU évoque plus de 1000 morts). 
Considérés depuis toujours comme des émigrés illégaux du Bangladesh voisin, les Rohingyas se sont mis à fuir le pays pour limiter l'épuration ethnique. D'après le Haut Commissariat aux Réfugiés, 270 000 Rohingyas se seraient réfugiés au Bangladesh depuis le 25 aout: les violences étaient d'après lui, prévisibles et auraient pu être empêchés. 


Quels sont les enjeux économico politique?  

La région a une grosse importance pour la Chine (accès à l'océan indien) et Pékin soutient d'ailleurs l'offensive de l'armée birmane dans l'Etat d'Arakan. A l'heure où l'Onu dénonce un "nettoyage ethnique" de la minorité musulmane dans ce pays, le ministère chinois des Affaires étrangères "soutient les efforts de la Birmanie pour maintenir la paix et la stabilité dans l'état d'Arakan" 😧
La zone a un intérêt géostratégique que mediapart assimile à une guerre que les Anglais livrent aux chinois. Les Rohingyas portent bien le nom de "pions"…
Les militaires ne cessent de les affaiblir pour mieux imposer leur politique de gouvernement. Les Rohingyas auraient-ils été des obstacles pour la bonne administration du pays?
C'est pas moins d'un demi million de personnes qui ont fuit cette pression militaire et l'apartheid, orchestrés par des préoccupations territoriales. 


Mais que deviennent-ils à présent? 

Des familles décimées, des blessures, des viols, des survivants au terme d'un voyage chaotique pour arriver au Bangladesh voisin où les lieux d'accueil sont limités et difficile d'accès. Les humanitaires sont absents des points de passage et d'arrivée des déportés, pour des raisons politiques: ils ne peuvent opérer que sur des camps "officiels". C'est donc aux Rohingyas de trouver le chemin d'un hôpital, d'un point d'eau ou un camp avec un minimum de soins. Il s'agit de la minorité la plus persécutée de l'histoire et pourtant entre les paroles et les actes depuis le début de la crise éclatée au grand jour, il y a un grand déséquilibre. Le fait de considérer le problème comme un conflit religieux empêche certainement les occidentaux d'enrayer la propagation du différend. L'éloignement géographique et l'image positive du bouddhisme paralysent-ils la prise en considération? La faiblesse de la réaction internationale vis-à-vis des crimes commis en Birmanie continue à ma sidérer. Surtout lorsque l'on sait que cette situation dure depuis des décennies mais que la mise en lumière n'a été que trop tardive. 

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