samedi 7 juillet 2018

Nos députés, nos chimères





En date du 5 juillet 2018, les députés Mrs Larivé et Ciotti ont déposé un amendement concernant la modification de la Constitution. Il faut vraiment le lire pour y croire tant le contenu laisse perplexe. Voici l'amendement qu'ils se sont empressés de déposer puis de publier sur leurs réseaux sociaux:





En clair, une loi contraire à la Constitution ou un traité par lequel la France est tenue, pourra être maintenue si une seconde loi la confirme dans un délai de 6 mois. A quoi bon maintenir le pouvoir judiciaire si son opinion ne pèse plus dans la balance?!

Et un amendement c'est quoi exactement? Il s'agit d'une tentative de modification d'un texte préexistant par une assemblée délibérante.
"L'article 44, alinéa premier, de la Constitution de 1958, dispose que « les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement », c'est-à-dire le droit de proposer des modifications à un texte (projet ou proposition de loi ou de résolution) dont est saisie une assemblée."

Il s'agit donc d'un droit d'initiative accordé aux députés et plusieurs milliers sont déposés annuellement. C'est un droit illimité donc il peut être considéré comme un moyen d'obstruction. Or, une fois discuté en séance, un sort leur est attribué "adopté", "rejeté", "tombé"... Un grand nombre d'amendements est rejeté, ce qui est une mauvaise nouvelle pour le débat démocratique mais une excellente chose pour l'avenir de ce genre de propositions surréalistes. Cet amendement a-t-il un avenir? Non. Pourquoi en parler? Parce que des députés élus pour représenter la nation, utilisent leur droit pour étaler leur politique populiste et détournent la citation de Vedel pour justifier l'injustifiable.

Ils souhaitent qu'une double loi supplante la Constitution, remettre en question la hiérarchie des normes et priver les juges de leur autorité. Ils ouvrent la voie à une dictature en lui accordant tous les leviers. Museler le pouvoir judiciaire qui défend le droit des citoyens c'est une proposition abjecte et dangereuse. Ils parlent d'une "dérive jurisprudentielle", je qualifierai cet amendement de dérive législative. Une loi inconstitutionnelle le restera si l'on devait suivre leur logique; si la Constitution n'est plus respectée à quoi bon la maintenir? Mais, dans ce cas il faudrait rayer la France des Etats de droit et ignorer l'exemple français du combat pour les Droits de l'Homme. Messieurs, vous êtes soit démagogues soit stupides, pardonnez-moi je ne vois pas d'autres termes plus appropriés.

Ils veulent remettre en question la légitimité du Conseil constitutionnel, institué par la Ve République et disposant du pouvoir de contrôle de conformité de la Loi à la Constitution.
Si ses décisions n'avaient plus aucune valeur, quel avenir pour cette institution? Aucune.
Faut-il supprimer le Conseil Constitutionnel? Non, il est le garant de notre Etat de droit.
Faut-il le remanier? Certainement, car c'est une institution non élue, composée d'ex présidents et de hauts fonctionnaires. La question de la suppression de la catégorie des membres de droit fait partie d'un projet de loi en cours de discussion à l'Assemblée nationale: la présence d'anciens présidents de la République est une spécificité française qui fait débat. Surtout lorsque ces anciens présidents font l'objet de poursuites judiciaires.

Cette proposition insufflée par les Républicains a l'air d'une vaste blague mais ils sont étonnamment sérieux dans leur combat. Je les invite vivement à assister à un cours de Droit constitutionnel ou peut être juste lire la Constitution parce qu'à mon avis, à part poser en photo avec, ils ne l'ont pas ouvert.

Eric Ciotti, champion des amendements absurdes, qui incite la droite à suivre l'exemple de Charles Pasqua (2 fois condamné à des peines de prison pour détournement de fonds publics), qui ne reconnait pas la devise de la République (fraternité kesako?), qui s'était réjoui en 2017 que son département d'Alpes Maritime n'accueille aucun migrant de Calais… Est décidément un exemple de droiture de notre république.

Peut-on virer un député?






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